1 mars 2015

SUR LE CHEMIN DES PLATANES


Auteur : Charles Lechesnier
Littérature
Romans
14,8x21cm (Exlibris)
Noir & Blanc
120
122638
979-10-90081-00-0

Lien : Sur le chemin des platanes



Imaginons trois personnages. Trois hommes se trouvant chacun dans trois époques différentes. L'un, Philippe Durrou, proche de la nôtre. L'autre, Louis Berrand, en 1977. Enfin le dernier, un vieux poète, en 1997. La même ville : Viry-Châtillon. Le même lieu : une rue ou avenue des platanes. Le tout vu par trois personnages qui, de manière surréaliste, arrivent à communiquer entre eux. Chacun livre sa vision de l'époque. Le premier laisse le narrateur le décrire. Le second prend la plume pour lui donner la réplique. Le troisième choisit de répondre par une prose poétique échappant à toute cohérence. Dans ce roman en trois parties, les trois hommes livrent leur amertume à des époques où le matérialisme prend le pas sur l'individu.


CHAPITRE 1 :

    Même si Philippe Durrou porte une quarantaine d’années sur ses épaules, son âme tutoie une certaine vieillesse qu’il a acquise en respirant une forte odeur de mélancolie régnant dans la ville de Viry-sur-Orge depuis près de vingt ans. Bien que la commune porte un autre nom, il ne peut s’empêcher de faire allusion à un fleuve qui traverse quelques territoires paisibles et verts.
    C’est bien là toute la particularité de cet homme qui, en pleine jeunesse, raisonne comme un vieil homme. Un vieil homme qui contemplerait le passé avec nostalgie. D’ailleurs, sa tenue vestimentaire se rapproche davantage d’un individu arrivé à l’automne de sa vie que d’un godelureau qui arbore une tenue déchiquetée en guise de rébellion.
    Il peste contre la rébellion.
    Il peste contre certaines attitudes qui témoignent bien plus d’une négligence morale et physique que d’un réel esprit contestataire.
    Aujourd’hui, chacun se dit rebelle sans aller au bout de sa démarche.
    On se pose en rebelle pour être en phase avec l’esprit de cette époque qui accorde de l'importance à l’image.
    Aujourd’hui, c’est la désinvolture à outrance qui habille les hommes et les femmes. Philippe Durrou en est excédé. Et que dire de Viry-sur-Orge ?
    Viry-sur-Orge, comme il le nomme si bien, a été dépouillé de sa verdure à cause d’une population qui n’a cessé de s’accroître en dépit de l’épuisement des ressources naturelles.
    La surpopulation ! Un sujet qui le préoccupe mais qui laisse indifférent ses concitoyens.
    La surpopulation ! Un phénomène réel qui menace l’humanité entière. Mais que peut-il dire à ces hommes qui continuent de semer une multitude de graines alors que celles-ci sont vouées à un avenir sombre ?
    Que peut-il dire à des individus qui ne lui offriront qu’un plateau d’insultes ? Le quadragénaire qu’il est se fera sans doute traiter de fasciste.
    Fasciste ?
    Oui, fasciste !
    Fasciste, l’insulte suprême !
    L’insulte suprême de certains individus qui pallient ainsi, par un vocabulaire outrancier et ordurier, leur absence d’arguments et leur méconnaissance de l’Histoire. Philippe Durrou sait aussi que les extrémistes politiques et religieux règnent sur chaque territoire, n’hésitant pas à verser le sang d’un malheureux qui s’est écarté de la bonne morale.
    Lui fasciste, allons bon.
    Lui qui refuse la morale et l’idéologie d’extrême droite, se faire traiter de facho.
    Ses jeunes années se contenteront de méditer en traversant une avenue dépouillée de ses platanes depuis un demi-siècle mais qui a gardé son appellation d’avenue des platanes.
    Il respire ardemment le parfum d’une journée d’automne d’une ère qu’il n’arrive pas à situer sur une échelle à cause de son absence d’humanité. Ici commence une marche, une méditation destinée à observer les quelques arbres qui ornent l’avenue des platanes.
    L’observation sera de rigueur mais il lui sera nécessaire d’imaginer des platanes afin d’entrevoir une certaine forme de vie. Philippe Durrou est un homme exigeant dans le rêve. Il ne peut laisser se former dans son esprit quelques-uns de ces arbres que son époque assassine.
    Lui sera-t-il possible de laisser son imagination vagabonder ? Sans doute. Il en a fait du chemin, l’ancien cancre de l’école primaire Roland Cassier qui se situe à quelques mètres de l’avenue des platanes.
    L’ancien cancre a appris à réfléchir et à imaginer les choses comme elles ne l’ont jamais été. Quel progrès !
    Il constate d’ailleurs avec plaisir qu’avec l’arrivée de l’automne, les feuilles jaunes se recroquevillent, devenant une carapace sèche. Un réel plaisir pour lui de les entendre craquer sous ses pas.
    Durrou pense qu’il ne leur fait aucun mal. Il ne les assassine point. Il ne peut mettre un terme à leur vie car elles ont déjà rendu l’âme en quittant leur foyer.
    Voilà l’ancien cancre devenu poète :
Les feuilles ne font que recouvrir les vestiges des temps radieux. Enfin commence mon périple sur un chemin quelque peu ensablé.